L’insuffisance de la réforme de la garde à vue ou les raisons d’une grève
Le nouveau régime de la garde à vue entrera officiellement en vigueur le 1er juin, mais l’assemblée plénière de la Cour de cassation a imposé par quatre arrêts, vendredi 15 avril, une application immédiate de trois dispositions phare de cette loi : la présence d'un avocat tout au long des auditions, son accès aux procès-verbaux d'audition et le droit au silence du gardé à vue.
Deux points en particulier sont contestés dans cette réforme : le fait que l’avocat n’ait pas accès à l’entier dossier de la procédure et l’insuffisance du financement par l’Etat de la garde à vue dans le cadre des personnes gardés à vue demandant la désignation d’un avocat commis d’office.
Cette deuxième critique s’inscrit dans le cadre de la demande des avocats d’ une refonte globale du système de l'aide juridictionnelle afin de renforcer les droits de la défense, qu'ils estiment insuffisants dans la réforme.
Plusieurs centaines d'avocats de France ont manifesté, mercredi 4 mai 2011 à Paris, pour réclamer une augmentation des moyens destinés à financer leur rôle dans la nouvelle garde à vue.
a) Sur l’insuffisance des droits de la défense
L'avocat peut aujourd'hui s'entretenir avec son client lors de la première demi-heure de la garde à vue, et ensuite en cas de prolongation au-delà de vingt-quatre heures (hors régimes spéciaux).
Si la présence d’un avocat dès la première heure de garde à vue va dans le bons sens, son accès aux procès verbaux d’audition et le rappel du droit au silence prévu par la jurisprudence européenne se trouve consacrée dans le texte français, les droits de la défense se trouvent insuffisamment protégés.
Ainsi, les avocats ont désormais accès aux déclarations de leurs clients, mais pas à l'ensemble du dossier, et notamment aux éléments à charge.
On peut s’interroger sur l’efficacité de l’intervention de l’avocat qui ne pourra prendre connaissance des éléments à charge du dossier (expertises, actes policiers …) contre son client.
Le droit de se défendre utilement passe par un accès complet aux éléments à charge que n’aura pas l’avocat qui ne pourra dans ce cadre que conseiller partiellement son client.
b) Sur l’absence de financement effectif de la réforme ou le risque d’une justice à deux vitesses
La réforme de la garde à vue va entraîner une hausse des besoins en matière d’aide juridictionnelle, versée par l’Etat aux avocats pour assurer la défense des personnes à revenus modestes.
La chancellerie propose ainsi à ce jour un forfait de 300 euros hors taxe pour une garde à vue de 24 heures (150 euros pour une prolongation), alors que le Conseil national des barreaux demande 366 euros. Jusqu’à présent, le paiement était de 61 HT pour une demi-heure d’assistance.
Ces barèmes ont bien inférieurs aux barèmes européens et ne sont pas à la hauteur des enjeux liés à une amélioration de la justice pénale pour les plus démunis qui n’ont pas les moyens de payer un avocat.
En effet, la charge de travail des avocats au stade l’enquête policière étant très importante, il est pour le moins important que les avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle soit mieux indemnisés.
Si le financement effectif de la réforme n’est pas revu le risque est la mise en place d’une justice à deux vitesses entre ceux qui pourront s’offrir les conseils d’un avocat et ceux qui devront compter sur l’aide juridictionnelle.
Joël GAUTIER
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